Chronique + interview
CHRONIQUE :
C’est avec une certaine joie que j’ai enfin pu me poser et écouter le très bon « Blason ». Après avoir découvert le très bon “Helmuth”, qui convoque des artistes et des lieux mythiques, le tout dans un titre addictif et dansant. On aurait pu craindre un feu de paille, mais non, c’est vraiment un album qui se tient de bout en bout. Ici, toutes les musiques se suivent avec cohérence, aucun ventre mou, pas de chansons pour combler, rien d’inutile que de l’essentiel.
L’imaginaire qui se crée en écoutant l’album est immédiat, c’est sans doute que Nicolas a su impliquer son petit monde avec lui. L’univers de la photo est là, prégnant, et les voix de Nicolas, Milo et Brisa nous le racontent, ici, aucun cliché. « Blason » est un peu une idée de l’esthète, que ce soit musical ou photographique. Les icônes intemporelles.
Les 11 chansons de cet album célèbrent les muses cachées et les mentors secrets. L’artiste, qui est également auteur, compositeur, interprète, photographe et écrivain, est accompagné par un groupe de rock français de premier plan, The Limiñanas. Il est également rejoint par des interprètes exceptionnels – la chanteuse californienne Brisa Roché et Milo McMullen. Ensemble, ils incarnent ces histoires biographiques dans un jeu de miroirs, telles les faces multiples d’un dé ou d’un Rubik’s Cube.
Parmi les collaborateurs, on compte le poète-compositeur Patrick Bouvet, le pianiste Maxence Cyrin, le trublion Romain Guerret (ancien leader du groupe Aline) et le réalisateur Éric Simonet (Movement). Ils partagent la scène avec des musiciens de renom, tels que le guitariste de Bob Dylan, Freddy Koella, et le producteur-claviériste, également cinéaste, Marc Collin (Nouvelle Vague).
Il y a du Jane et du Serge, du glamour et de l’esthète, un album à tiroir où l’on a envie de découvrir chaque référence invoquée. « Blason » ne plastronne pas, mais est un bien bel étendard de la chanson française, une réussite absolue.
INTERVIEW :
Votre album semble autant fait de vinyle que d’argentique, est-il le prolongement de votre travail de photographe ?
Ce disque est en effet hanté par l’histoire de la photographie et de l’iconographie Rock. J’y évoque tout autant des figures sulfureuses de la photographie érotique (Helmut Newton, Pierre Molinier, Moriyama) que des icônes déchues de l’histoire du Rock (Vince Taylor, Nico, etc.). Mais sans jamais les nommer, sous forme de portraits-chinois, énigmatiques. C’est en quelque sorte un album sur… le « mystère de l’incarnation » ; raison pour laquelle il y a du grain, de la saturation, des flous et des surexpositions dans ce disque.
Avez-vous toujours fait de la musique ?
Oui, depuis l’enfance. J’ai toujours écrit des chansons et monté adolescent des groupes de rock, la plupart du temps éphémères ou avortés. En fait, à cause ou plutôt grâce à mes études aux Beaux-Arts, l’image m’a passionné tout autant que la musique. Et j’ai commencé par exposer et publier mes photographies une dizaine d’années avant de sortir mon premier album. Pour autant, je ne voulais pas abandonner la photographie sous prétexte que je faisais des disques. Ces deux pratiques m’équilibrent. Tout comme l’écriture, qui est de plus en plus présente dans mon univers : j’écris en effet tous mes textes de chansons (qui paraissent conjointement au disque chez Médiapop éditions) mais j’écris également de plus en plus autour de mes photographies. J’ai également publié récemment un essai sur Bob Dylan – « Dylan, in absentia » (2022) qui faisait suite à une biographie très personnelle de Jacques Higelin (2019) avec lequel j’ai travaillé dans les années 2000. Toutes ces pratiques ont nourri la composition de mon nouvel album.
Sur la chanson Helmut, vous citez énormément d’actrices, de modèles et de lieux. C’est une façon de jouer avec nous ?
J’aime les chansons « à clef ». Les morceaux dans lesquels le sens n’est pas donné d’emblée. Dans ce titre, je me suis amusé à sampler les légendes de certaines photographies célèbres d’Helmut Newton. Et donc forcément, il y a beaucoup de noms de modèles disparues, d’actrices underground, de people oubliés, etc. Le jeu consistait à faire apparaître – comme des flashs – les images célèbres du photographe dans la mémoire de l’auditeur. Pour ce faire, j’ai utilisé une musique qui nous replonge dans les années 80… L’époque d’Helmut Newton et de ses Grands Nus. Mais je ne suis pas certain d’y être arrivé et encore moins d’être tout à fait compris ! Cela dit, on peut aussi écouter le morceau sans chercher à en saisir la dimension cachée : je comprends tout à fait que des auditeurs pressés passent à côté sans trop se poser de question ; c’est le jeu, justement.
Quand et pourquoi avez-vous décidé de faire cet album ? Qui vous entoure sur cet album ?
C’est un projet que j’avais imaginé dès le départ avec Brisa Roché, avec l’idée d’une association images et musique. Nous allons d’ailleurs bientôt tourner des clips autour de l’album, avec l’espoir d’en faire une sorte de film, expérimental… Car Brisa et Milo, qui éclairent les chansons de leurs couleurs vocales respectives, incarnent aussi physiquement les thèmes que j’évoque dans l’album. Elles tendent chacune un miroir déformant (ou convexe) aux chansons. Ce qui fait que ce disque pour moi est plein de reflets… Ce n’est pas « Blond on Blond » mais « Brown on Brown »… Mais si je les ai rassemblées sur l’album, c’est aussi qu’elles se ressemblent sans se ressembler. Et c’est peut-être cette différence que j’aimerais bien pouvoir filmer… qui sait ?
Home
Interview et chronique : Hodbert Florian