Il ne partage rien avec personne, ce Justin Timberlake. Cet énorme chanceux vieillissant, qui a eu la chance de tomber tout à tour sur Britney, Pharrell puis Timbaland, et de récupérer par la même occasion des chansons prévues pour Michael Jackson et une notoriété usurpée, s’est vu propulser en orbite au début des années 2000, à un niveau qu’il n’était pas censé atteindre, alors qu’il sortait tout juste de NSync, avec ses cheveux permanentés et ses airs de puceau tardif. C’est tout simplement le M. Pokora originel, avec les mêmes yeux bleus, la même appropriation culturelle « urbaine », en moins provincial et grossier puisque verni à l’américaine, meilleur chanteur et danseur, meilleur en à peu près tout. Le leader de Linkup a été pensé et modelé comme une version française de l’ancien du Disney Club, c’est comme ça. On récupère toujours les ersatz, quelques années après. Timberlake revient donc, dix ans après son dernier véritable succès, après Mirrors, après Can’t stop the feeling et Say something, avec le titre Selfish. Son jeunisme a beau être ridicule, les photos qui montrent les abdos et les « choré » obligatoires, tout autant, mais il n’y rien à dire sur le morceau en lui-même. Les mélodies ont été composées par une équipe de petits malins qu’on retrouvait jusqu’à présent derrière des hits de seconde zone comme Domino de Jessie J ou Pretty isn’t pretty d’Olivia Rodrigo. Ils se sont gavés avec Selfish. Du couplet au refrain, c’est magnifique. On s’étonne toujours de voir les sites spécialisés, notamment américains, s’évertuer à parler des « textes » de toutes ces merveilles pop, comme si non seulement ils étaient en mesure de comprendre ce que pouvait bien être un « texte », et surtout comme si le texte avait une quelconque importance dans ce domaine. Curieux phénomène de peuple complexé à mort par sa bêtise fondamentale, qui intellectualise au premier degré des choses aussi triviales que des paroles de chansons de variété américaine. Tout le monde ne peut pas être Jean-Jacques Goldman !