La grosse Bey, éternelle blanchisseuse pop, semble un peu lessivée dans son nouveau cosplay de cowgirl. C’est la dernière invention de la chanteuse. Elle se met à la country, avec son nouvel album Cowboy Carter, qui sort le 29 mars. Musique on ne peut plus blanche, raciste, esclavagiste, ségrégative, tout ce qu’on veut. On a du mal à comprendre le message ? S’agit-il d’une démonstration de black power, en réappropriation des codes de l’Amérique blanche, avec les tenues aux couleurs du drapeau, les chevaux, etc., comme Ye l’avait fait intelligemment dans le clip de Bound 2 ? Bien sûr que non, il n’y a évidemment aucun message, aucune conviction et aucune authenticité derrière n’importe laquelle des idées fumeuses émanant des esprits d’elle et son époux / manager Jay-Z. Il fallait faire de la country, pourquoi pas, mais en restant Noire, du point de vue d’une Noire ! Certainement pas en singeant Dolly Parton et en glorifiant les USA. Énième mise en scène grotesque d’une fausse activiste qui pourra se targuer d’être la première femme noire en tête des charts country… Quel honneur !
Marquer l’Histoire à peu de frais, c’est un peu sa spécialité. Toujours dans les bons coups, Beyoncé n’est jamais bien loin quand il s’agit de donner des leçons de récupération. Son coup d’éclat pour la cause noire ? Un clip pour la chanson Formation tourné dans l’eau, aux abords de ce qui ressemble à une Nouvelle-Orléans post-Katrina… En réalité, le clip a été tourné à Los Angeles et Beyoncé la courageuse n’en a jamais assumé publiquement le message ouvertement anti-flics. Le clip dont elle est si fière n’était d’ailleurs disponible à sa sortie que si on en connaissait l’adresse URL, il n’apparaissait pas dans les résultats du moteur de recherche interne de YouTube, pour ne pas faire trop de vagues. Saturday Night Live répondait ironiquement par un sketch se moquant des fans blancs qui réalisaient tout à coup que Beyoncé était afro-américaine. Bien sûr, pas un mot, pas un seul trait d’humour noir sur la chanteuse elle-même et ses pubs L’Oréal où elle se pavane, perruque au vent, blanche comme neige, visiblement peu au fait de sa propre négritude. Black lives matter peut-être, mais en secret.
La raison d’être de ce nouvel album « country », dont le contenu musical n’a aucune espèce d’importance, tient en quelques mots : pour enfin obtenir le Grammy d’album de l’année dont ils rêvent tant, Jay-Z et Beyoncé ont décidé d’utiliser pour leur profit personnel, par dégueulasserie, les vieilles antiennes culpabilisantes, les refrains de persécution, en prenant en otage une cause dont ils n’ont en réalité rien à foutre et en dénonçant l’impossibilité pour une chanteuse noire d’intégrer un monde habituellement si blanc, exemple parmi d’autres du racisme systémique américain. Des Noirs qui font de la country, avec des convictions et un peu d’honneur, ça existe pourtant. Beyoncé préfère leur piquer la place, soutenue par les milliards de son compte en banque, qui lui permettent de faire campagne et de se répandre dans les médias en petites phrases, sur l’inclusion et l’égalité des chances, qui sonnent plus faux que Rihanna en live. Beau hold-up ! On nous explique déjà, avant même la sortie, que si on refuse d’aimer ce disque de merde, c’est par racisme.