Emerald Fennell est la nouvelle coqueluches des amateurs de cinéma qui se sont découverts une passion avec la sortie simultanée d’Oppenheimer et Barbie l’année dernière. Après avoir publié en 2013 Shiverton Hall, un livre de fantasy pour enfants, et en 2015 un roman d’horreur pour adultes, Monsters ; la réalisatrice britannique a récemment sorti son deuxième film sur Amazon en mixant les deux : Saltburn.
De quoi ça parle ? En se baladant sur Tumblr il y a dix ans, au détour d’un compte d’adolescente, fan de One Direction, comme le site en fourmillait alors, on serait rapidement tombé sur une fanfic de névrosée mettant en scène Harry et Zayn dans des circonstances homoérotiques similaires à celles du film : c’est-à-dire l’assez mauvais Cruel Intentions (sans la chanson mythique de Placebo et la voiture décapotable) mixé à Plein Soleil, sans Delon et Ronet mais avec le très homosexuel Jacob Elordi – qui commence le film avec un piercing à l’arcade tah Patrick Fiori – et le faussement fruste mais irlandais quand même Barry Keoghan. Esthétisé comme un clip de Lana Del Rey, le film se déroule ainsi : Barry débarque à Oxford où il fait semblant d’être pauvre, puceau, presque orphelin et geek pour devenir copain avec l’aristo Jacob, l’élève le plus populaire du monde, au compte en banque illimité et aux conquêtes infinies. C’est une sombre histoire de vélo qui les rapproche, Jacob est trop content de se trouver un copain rugueux et simple qui l’aime « pour ce qu’il est », au point de l’inviter dans la propriété de ses parents à la campagne où Barry se retrouve à lécher le fond de la baignoire, et le sperme de Jacob, qui vient de s’y branler ou à doigter sa sœur alors qu’elle a ses règles quand il n’est pas occupé à accuser l’autre frère, adoptif cette fois et carrément métisse, d’être un voleur (ça va apparemment de pair)… En gros, il isole Jacob pour qu’il ne soit qu’à lui tout seul jusqu’à ce que Jacob se rende compte que Barry est un gros menteur. Acculé, et n’ayant pas réussi à se faire enculer, Barry se dit alors qu’il va tuer tout le monde, comme on le prévoit depuis la première minute du film. C’est donc ce qu’il fait, jusqu’à finir tout seul dans le château, à danser nu sur du Sophie Ellis Bextor.
C’est drôle de voir la réalisatrice se gargariser en interview de son sens du détail et de la précision de ses choix artistiques… Elle en est très fière ! Pas de bol, le film est rempli d’anachronismes… Les personnages visionnent un DVD un an avant sa sortie, font du karaoké sur des morceaux encore inédits. Bien souvent, ça se joue à un an près, alors elle tente ce genre de cabrioles : « La famille est t… tellement riche qu’elle a eu a… accès au film avant sa sortie ! » Ben voyons. Quid de Rosamund Pike qui déambule en Valentino couture de la collection automne-hiver 2018 alors que le film se déroule en 2006 ? Tout ça est cependant bien accessoire eu égard au manque absolu de finesse, de compréhension et d’analyse du monde décrit dans le film. C’est simple, tout est faux. Rien n’a jamais été ressenti par cette grosse Émeraude : chaque dialogue est raté, aucune situation n’est crédible… Un peu comme si on demandait à Karine Le Marchand d’écrire un rôle de fermier sur mesure. Disons qu’on est moins « pris » qu’à la lecture d’Anna Karénine quand le film nous torture avec ce qu’il croit être les mœurs dépravées d’une famille aristocrate anglaise. Kubrick aurait applaudi. Mais il y a pire ! On retrouvera bientôt Emerald au scénario (?) de Ballerina, le spin-off de John Wick, avec Ana de Armas en Keanu Reeves version femme. Si elle est en manque d’idées, et ça semble être sacrément le cas, elle pourra toujours s’inspirer du pitch de son premier film en tant que réalisatrice : Young promising woman. « Le film suit les pérégrinations de Cassie, une jeune femme traumatisée par la perte de sa meilleure amie, qui s’est donnée la mort après un viol, à l’époque où elles étaient étudiantes en médecine. Désormais, Cassie erre la nuit à la recherche de potentiels abuseurs pour les affronter ensuite. » On ne remercie pas Margot Robbie qui, depuis sa découverte du féminisme à la sauce Barbie, finance toutes ces horreurs. Bref, Saltburn, ce n’est évidemment rien mais je ne vous en apprends pas beaucoup plus.