Comme Jacques Vaché, la plus belle création de Lenny Kravitz, c’est Lenny Kravitz lui-même. On peut difficilement nier son apparence géniale, qu’il affine depuis près de trente ans. Il l’a enfin trouvée, son esthétique ultime, son évolution finale, comme dans Pokémon. Depuis qu’il est en partenariat constant avec Saint Laurent, avec ses dreads, ses abdos saillants, parfois exagérés sur Photoshop (c’est de bonne guerre), ses breloques et ses éternelles lunettes de soleil, il s’est extirpé de l’humanité pour devenir un personnage de dessin animé, comme Keith Richards, comme Slash et comme quelques autres. Mais à la différence de ces deux exemples qui évoluent dans le même registre, un peu poseurs aussi, par définition, Lenny ne fait de la musique que par opportunisme. Il n’aime pas du tout ça ! C’est la plus belle coquille vide du rock. Malin comme un Gainsbourg, il a suffisamment écouté Hendrix, Prince, Led Zep et James Brown pour en faire une bouillie pop rock qui ne plaît qu’aux Français. C’est chez nous qu’il a commencé sa carrière, évidemment. Phénomène connu, on récupère souvent des ersatz, de pâles copies, qui ne peuvent réussir qu’auprès d’un public naïf, charmé par manque de connaissances et de curiosité. On pense à Calvin Russell, bluesman inutile qui n’a jamais eu de succès ailleurs que dans l’hexagone. Lenny est quand même un peu connu aux USA, n’exagérons rien, mais en tant que blague, comme un meme. Même sa plastique fait rire ! Les gens s’esclaffent quand il débarque sur un plateau en chemisier transparent. Il est noir, sexy, consensuel, toujours souriant, et ravi de jouer à l’objet sexuel un peu sauvage. Regardez, on a sorti le gogo dancer de sa cage (qui est accessoirement un hôtel particulier parisien dont la décoration intérieure est peut-être ce qu’il a fait de mieux – n’oublions pas que Lenny est aussi designer, photographe, etc.) C’est pour ça qu’on le voit toujours fourré chez Jimmy Kimmel. On le convoque même pour présenter des cérémonies de remises de prix, comme Alicia Keys qui ne survit plus que grâce à ça. Dans la vraie vie, hors de la télé, il remplit des salles de 2 500 places, tout le monde s’en fout.
Ce qui est le plus remarquable chez lui, c’est son dévouement de tous les instants à son image. Quand il nous fait visiter sa villa au Brésil, installée sur une ancienne plantation, et qu’il nous accueille à cheval, avec ses boots hors de prix et sa chemise en jean savamment distressed, c’est du grand art. Avant de sauter au cou de sa cuisinière – Lenny est un homme du peuple –, et de nous montrer en détail sa collection de légumes bio de mec vegan, il nous explique en passant que le piano transparent qui trône dans le salon appartenait à… Ingrid Bergman. Même le timing de la tirade est bon ! Mieux encore, Lenny s’est fait livrer une caravane (par hélicoptère ?) aux Bahamas dans laquelle il passe l’aspirateur torse nu avant d’aller ramasser des fruits et se foutre à l’eau habillé comme s’il allait au bal. Il faudrait le mettre dans une pièce, face à Johnny Depp et voir lequel des deux arrive à faire sortir l’autre de son personnage en premier. Ça changerait des combats de boxe de célébrité… Sacré Lenny !