Notre ami écrivain et traducteur Matthieu Gouet s’attaque, pour sa maison d’édition Torr, à des traductions de textes rares et magnifiques des plus beaux écrivains de langue anglaise : les frères Powys, Thomas Wolfe ou encore John Keats, donc. Aujourd’hui, il nous offre son dernier travail, c’est-à-dire des sonnets de Keats dans des traductions inédites et très libres en Français, ainsi qu’une petite postface qui explique plus précisément son intention. Vive la poésie sur Playboy France !

John Keats est immortel, même si son agonie a pris fin le 23 février 1821 à Rome, où il avait emmené ses poumons ravagés de tuberculeux. Puisqu’il vit toujours, pas seulement grâce au film Bright Star (2009) qui lui a redonné sous les traits de Ben Whishaw une image d’amoureux romantique tronquée et un peu trop sage, mais parce que sa poésie ne mourra qu’avec la fin des hommes, on peut bien le retraduire encore et encore…
Au départ, ces quelques sonnets « d’après Keats » n’étaient qu’une expérience, pour voir. On admet généralement que traduire un poème en transposant le mètre et les rimes est, au pire, impossible, au mieux, sans intérêt. Compter les pieds en traduisant, ça ne se fait pas tant que ça. Mais si l’on veut montrer quelque chose des effets produits par le texte originel, pourquoi ignorer des aspects aussi évidents que la régularité des vers et leur façon de se faire écho ? Ce n’est pas parce qu’un poète a composé avec des contraintes qu’on a plus tard considérées comme arbitraires et dépassées, qu’on doit faire comme si elles n’étaient pas là. Pondre une prose saucissonnée se faisant passer pour des vers, alors que le poète en a chié pour ciseler une pièce mesurée ? Trop facile !
En fin de compte, j’ai trouvé que je ne m’éloignais pas tant que ça des poèmes originels. Au contraire, mes efforts pour que ça « sonne » dans un carcan français m’ont aidé, plutôt que gêné, à mieux examiner les résonances et connotations des mots de Keats. Quoi qu’on pense du résultat, je ne crois pas avoir commis de graves infidélités. Pour le contraste, il n’y a qu’à voir comment Ezra Pound a mis Rimbaud en anglais… Et Keats lui-même, quand il a traduit Ronsard, a pris bien plus de libertés que moi avec ses vers. Alors, « d’après John Keats », oui, mais – je l’espère – tout près./p>

Matthieu Gouet